Comment les Trans ont viré les Lesbiennes
A l'ouverture du centre gai et lesbien en 1994 à Paris, nous nous sommes rendues compte que la majorité des bénévoles était des hommes gays et que les femmes lesbiennes n'avaient pas de moments réservés pour elles. Nous avons décidé de créer un temps d'accueil non-mixte le vendredi soir.
A l'époque le débat portait sur l'intitulé "Vendredi des lesbiennes" ou "Vendredi des Femmes" ; la crainte étant de voir des femmes hétéros séduire une lesbienne pour un plan à trois. Néanmoins, le groupe se voulant accueillant et inclusif, même pour les femmes ne s'identifiant pas comme lesbiennes, c'est l'intitulé "Vendredi des femmes" (VDF) qui a été choisi.
Innocentes que nous étions, nous ne pensions pas que la définition même de qui est une femme pouvait poser problème !
En 2008, le Centre gai et lesbien est devenu le centre LGBT et a déménagé de la rue Keller à la rue Beaubourg en augmentant sa superficie. A l'époque le T signifiait pour moi travesti ou transexuel (le transgenrisme n'était pas théorisé comme une identité, même si les gays efféminés et les lesbiennes butch transgressent depuis longtemps les codes du genre). Puis dans les années 2010, se sont ajoutées les autres lettres ; LGBTQIAAP++ lesbiennes, gays, bi, trans, queer, intersexe, asexuel, aromantique, pansexuel et leurs alliés, bref toute la population française sauf les cis-hétéros.
Les hommes s'autodésignant comme femmes, se prétendant femmes, se fantasmant femmes (choisissez votre formulation) sont venus de plus en plus nombreux investir le VDF. Dans un groupe de discussion sur la santé des femmes, deux hommes ont monopolisé la parole et la discussion a dérivé sur le cancer de la prostate... un grand problème pour les lesbiennes. Lors d'une autre réunion sur l'identité lesbienne, un homme, hétéro se proclamant femme et donc lesbienne, nous a parlé des joies de la paternité lesbienne. Dans la salle, des jeunes femmes lui ont affirmé leur soutien, le reconnaissant comme femme.
Difficile de s'opposer à cet entrisme lorsque le centre lui-même désigne le VDF comme ouvert à toutes les femmes lesbiennes, bi ou trans. La salariée du centre m'a reproché de ne pas avoir équilibré les temps de parole. Mais tout le monde peut constater que, dans des réunions publiques, les hommes se sentent autorisés à prendre la parole alors que les femmes ont tendance à écouter et se taire, et ont plus souvent besoin d'être sollicitées. Surtout que ces hommes transidentifiés se prétendaient victimes de transphobie. En plus de l'entrisme au VDF, l'association des femmes âgées Les Sénioritas a été exclue du centre car elle savait différencier les hommes des femmes et voulait rester en non-mixité ; Résultat, elles ont été virées !
Exaspérée par cet entrisme, j'ai signé une tribune de Marie-Jo Bonnet demandant le respect des lesbiennes dans la communauté LGBT. J'ai reçu le 26 octobre 2022 le courrier ci-dessous :
" Madame,
Par ce courrier, nous souhaitons donner suite, d’une part, à votre co-signature d’une lettre ouverte adressée à la Première ministre Élisabeth Borne, relative au « sort des femmes lesbiennes dans la communauté LGBT » et publiée fin août 2022 sur les réseaux sociaux. Cette lettre, qui reprend notamment des théories fallacieuses sur les raisons qui poussent les personnes trans à s’identifier comme tel, s’avère ouvertement transphobe. Vous l’avez en outre co-signée en tant que « militante du Vendredi des femmes au sein du Centre LGBT Paris », sans en avoir informé les instances de gouvernance du Centre, plaçant celui-ci sous un feu nourri de critiques exprimées par des usagèr.e.s, des associations membres et sur les réseaux sociaux.
D’autre part, des propos violents relatifs à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle nous ont été rapportés, lors d’une activité où vous étiez présente le 24 juin 2022. Vous avez notamment refusé à une personne trans son droit à l’autodétermination en lui imputant une orientation sexuelle qui n’est pas la sienne et vous l’avez qualifiée « d’homophobe » sans raison apparente. En outre, le 30 septembre 2022, alors qu’un bénévole demandait à une organisatrice d’un atelier du Vendredi des femmes si elle avait les clés pour fermer les locaux du Centre, vous avez répondu : « ce n’est surtout pas [moi] car j’ai trop ouvert [ma] gueule et [que] la police maccarthyste est venue s'immiscer dans [ma] sphère privée ».
Nous vous informons que ces faits nous imposent d’envisager votre possible radiation de l’association en votre qualité de membre.
Dans ce cadre, et avant de prendre toute décision, le Conseil d’administration souhaite vous entendre le samedi 5 novembre 2022 à 10h30 au siège de l’association au 61/63 rue Beaubourg 75003 Paris. Durant cette audition, il vous sera possible de présenter toutes les observations que vous souhaiterez faire, ainsi que de vous faire assister par un conseil de votre choix, extérieur à l’association. Nous vous informons que si vous ne vous présentez pas aux lieux et horaires indiqués, le Conseil d’administration conserve le droit de tenir séance et de statuer.
Nous vous prions de recevoir, Madame, nos salutations distinguées.
Le Bureau du Centre LGBTQI+ de Paris et d’Île-de-France"
Il va sans dire que je n'ai jamais agressé, harcelé, insulté personne (à moins que traiter un homme de personne de sexe masculin ne soit une insulte). L'accusation de transphobie et de violence contre les personnes arrivent très vite face à toute remarque concernant le sexe des individus se prétendant femmes. Un homme se prétend femme lesbienne, mais je sais et je dis que l'individu en face de moi est un homme attiré par les femmes, donc hétéro. Puisqu'il refuse de reconnaitre la spécificité des femmes aimant les femmes puisqu'il prétend appartenir à ce groupe, il est donc homophobe, voilà ce qu'on me repproche d'affirmer. De toute évidence, j'étais contre la doxa. Il faut comprendre l'incroyable dissonance cognitive que je ressentais lors qu'un individu de sexe masculin se prétendait femme et que l'on me demandait d'approuver et de défendre cette énorme dystopie.
Je ne suis pas seule dans mon cas. Un autre militante a été exclue du planning familial car elle refusait d'approuver l'idée "d'homme enceint". Au sein des partis politiques de gauche, dans les associations féministes, la purge contre les femmes réalistes a été très violente.
J'ai évidemment refusé de me rendre à cette convocation pendant laquelle on prétendait qu'existe un "ressenti de femmes". Et, après 28 ans de militantisme et de bénévolat, j'ai quitté cette structure misogyne. Il va sans dire qu'aucune association masculine n'a été exclue du centre, les femmes transidentifiées ne demandant pas à entrer dans les lieux (stades, vestiaires, prisons) réservés aux hommes contrairement à leurs homologues masculins. Moi, lorsqu'un homme dit : "Je suis une femme", je sais qu'il ment.